Depuis de nombreuses années, l'incapacité permanente se définissait comme « la réduction de potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel » dont reste atteinte une victime dont l'état est jugé « consolidé », c'est-à-dire qui n'est plus susceptible d'être amélioré de façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié.
Ce terme relève du vocabulaire de la Sécurité sociale, et plus particulièrement de la législation sur l'indemnisation des accidents du travail. Cette incapacité permanente pouvait être partielle (en abrégé, IPP) ou totale (IPT). Elle conduisait à la reconnaissance d'un état d'invalidité.
Mais depuis 2007 et l'avènement de la nomenclature dite « Dintilhac », elle a été remplacée en droit commun par la notion de « déficit fonctionnel permanent » (DFP) et de « déficit fonctionnel temporaire » (DFT) ou encore AIPP (atteinte à l'intégrité physique et psychique).
Incapacité permanente et cadre juridique applicable à l'accident
La définition même, les critères d'évaluation et l'indemnisation varieront en effet selon que la victime se trouvera dans le cadre de la législation « accident du travail », de la réparation du dommage occasionné par un tiers responsable, donc en droit commun, ou dans celui d'un contrat d'assurance de personne.
Régime de l'accident du travail et de la maladie professionnelle
Le champ d'application du régime de l'accident du travail englobe trois événements assez différents prévus par le Code de la sécurité sociale :
- l'accident du travail proprement dit (article L. 411-1) ;
- l'accident de trajet (article L. 411-2) ;
- la maladie professionnelle (article L. 461-1).
Le régime des accidents du travail et maladies professionnelles est régi par les articles L. 411-1 et suivants et par l'article R. 412-1 du Code de la sécurité sociale.
Les invalides sont classés en trois catégories selon le taux de la pension d'invalidité :
- Invalide ayant conservé une capacité de travail avec possibilité d'être rémunéré (< 66 %).
- Invalide incapable de travailler (> 66 % et < 80 %).
- Invalide devant recourir à l'aide d'une tierce personne (> 80%) (article L. 341-4 et R. 341-4 du Code de sécurité sociale).
Régime de la réparation du dommage causé par un tiers responsable
Dans le contexte applicable à un accident occasionné par un tiers responsable, c'est le droit commun qui s'applique dans le cadre de la responsabilité pour faute basée sur les articles 1240 et suivants du Code civil (articles 1382 ancien et suivants). L'indemnisation à la charge d'un responsable s'effectuera en fonction de la perte réellement subie.
Cadre des stipulations contractuelles en matière d'assurance de dommages corporels
En matière d'assurance de personne, la détermination du préjudice et son évaluation se feront en fonction des dispositions du contrat.
Il est à noter que l'on distingue deux types de contrats de prévoyance en matière d'accident corporel :
- Les assurances à caractère indemnitaire : elles ont pour objet l'indemnisation d'un dommage en fonction des préjudices subis.
- Les assurances à caractère forfaitaire : elles ont pour objet le règlement de prestations forfaitaires en cas de réalisation d'un risque couvert affectant l'assuré.
Critères d'évaluation et indemnisation de l'incapacité permanente
Les critères d'évaluation du préjudice et de fixation du montant de l'indemnisation dépendront du régime applicable au cas de la victime.
Régime de l'accident du travail et de la maladie professionnelle
Schématiquement, l'indemnisation de l'incapacité permanente se présente sous deux formes, en fonction du taux d'incapacité retenu par expertise :
- Capital pour incapacité inférieure à 10 % :
- Toute victime atteinte d'une incapacité permanente inférieure à 10 % se voit attribuer une indemnité en capital.
- Le montant en est fixé par décret suivant le taux d'incapacité (article L. 434-1 du Code de sécurité sociale).
- Le barème ne tient pas compte du salaire de la victime.
Bon à savoir : depuis le 1er avril 2018 , le capital varie entre 416,47 € pour une invalidité de 1 % et 4 163,61 € pour le taux de 9 %.
- La rente pour incapacité supérieure à 10 % :
- Le montant de la rente attribuée à la victime est basé sur deux paramètres : le salaire antérieur et le taux d'incapacité.
- Il est égal au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de ce taux qui ne dépasse pas 50 % et augmenté de la moitié pour la partie qui excède 50 %, ce qui favorise les victimes lourdement atteintes (article R. 434-2 du Code de sécurité sociale).
Exemple : pour un taux d'incapacité réelle de 60 % et un salaire annuel de 18 000 €, rente = (50 ÷ 2) + (10 × 50 ÷ 10) = 40 %, soit 18 000 × 40 % = 7 200 €.
À noter : les rentes viagères versées en vertu d'une transaction (accord entre la victime et l'auteur du dommage) ou d'une décision de justice sont exonérées d'impôt sur le revenu dès lors qu'elles visent à réparer un préjudice corporel ayant entraîné, pour la victime, une incapacité permanente totale l'obligeant à avoir recours à l'assistance d'une tierce personne. La non-imposition de ces rentes s'applique à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de la publication de la décision, c'est-à-dire depuis le 24 novembre 2018 (décision du Conseil constitutionnel n° 2018-747 QPC du 23 novembre 2018).
Régime de la réparation du dommage
Il s'applique à toute victime d'un dommage résultant de la faute d'autrui. L'appréciation du préjudice se fera par expertise médicale et l'indemnisation se fera in concreto, c'est-à-dire en tenant compte des seules circonstances du sinistre.
Pour ce qui est de l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle (IPP), encore appelée « déficit fonctionnel séquellaire », son taux est déterminé après consolidation, par expertise et évalué par référence au dernier barème du « Concours médical » qui fait autorité en la matière.
Elle sera liée à l'âge de la victime puisque son calcul dépend de l'espérance de vie : la valeur du point d'IPP augmente avec l'importance du handicap, mais elle diminue avec l'âge. Ainsi, une victime de 20 ans avec un faible taux d'IPP touchera une indemnité basée en moyenne sur 1 300 € du point ; une personne de plus de 65 ans dans la même situation ne recevra qu'environ 750 € du point.
L'indemnisation du déficit fonctionnel séquellaire est calculée en multipliant le taux d'incapacité retenu par le prix du point à l'âge où la victime a été consolidée.
À noter : des régimes particuliers d'indemnisation ont été instaurés par la loi pour certaines catégories de victimes :
- les victimes d'accidents de la circulation (loi Badinter du 5 juillet 1983) ;
- les victimes d'infractions pénales (violence, agression, etc.) ;
- les victimes professionnelles (salariés du régime général et travailleurs agricoles) atteintes de maladies liées à une exposition aux pesticides qui bénéficieront du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (institué par le décret n° 2020-1463 du 27 novembre 2020) ;
Bon à savoir : le décret n° 2022-573 du 19 avril 2022 a par ailleurs créé un nouveau tableau de maladie professionnelle pour le cancer de la prostate provoqué par les pesticides.
- les victimes du terrorisme. Ainsi par exemple, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice simplifie la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, en donnant compétence exclusive au juge civil du tribunal de grande instance de Paris, désigné sous le nom de « juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme » (JIVAT), pour traiter le contentieux de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Les juridictions pénales deviennent incompétentes pour connaître des demandes en réparation du dommage causé par l’infraction (article L. 217-6 du Code de l'organisation judiciaire).
À noter : toutes ces victimes, si aucun auteur responsable ne peut être identifié, seront prises en charge par les fonds de garantie existants (FGAO, ONIAM, CIVI, FGTI, etc.).
Indemnisation dans le cadre d'un contrat d'assurance des dommages corporels
Ce peut être un contrat souscrit à titre individuel ou un contrat collectif (souscrit par une association, un club sportif ou une fédération pour ses membres, une entreprise pour son personnel, etc.).
Contrats « Individuelle accident »
Contrats « Individuelle accident » (garantie souscrite seule ou contenue dans des contrats assurance scolaire, assurance de sport, assurance voyage, etc.) : l'indemnisation interviendra après consolidation et expertise et sera calculée en application du barème retenu par l'assureur et dont il est fait mention au contrat.
Important : chaque assureur peut avoir ses propres définitions et la terminologie employée n'aura pas forcément la même signification d'un assureur à l'autre. C'est pourquoi il importe avant de signer un contrat de bien en lire les conditions générales et particulières, et notamment la définition précise de ce qu'il entend par « incapacité permanente ». Il conviendra de voir si la garantie comporte une franchise et comment celle-ci fonctionne (franchise toujours déduite, franchise atteinte, etc.) et à quel barème l'assureur se référera pour déterminer l'indemnisation de vos préjudices (barème du Concours médical, barème AMEDOC, barème de l'OMS, etc).
Contrats G.A.V. (garantie des accidents de la vie)
Le socle commun de prestations des assureurs prévoit que la garantie globale, tous postes d'indemnisation confondus, est limitée à 1 million d'euros.
Malgré ce socle commun, il est important de souligner qu'il existe des différences entre les divers assureurs au niveau des garanties et exclusions, des plafonds de garantie, des franchises applicables, des options proposées et des barèmes de détermination des taux d'invalidité. En principe, les contrats GAV sont assortis d'une franchise minimum de 10 % en incapacité permanente.
À noter : cette garantie englobera les conséquences de l'accident sur la vie professionnelle, ce qui est contraire au droit commun puisque l'IPP et le préjudice professionnel (ou économique) sont normalement bien différenciés depuis la nomenclature Dintilhac.
Pour l'invalidité permanente inférieure à 30 %, le barème utilisé est celui figurant dans le protocole signé entre assureurs et organisme sociaux. Pour les invalidités supérieures à 30 %, l'indemnisation sera calculée par référence au mode de calcul retenu par les tribunaux.
Bon à savoir : dans ce cas d'invalidité supérieure à 30 %, lorsque la consolidation n'est pas acquise, l'assureur est tenu de verser une provision dans le mois qui suit la réception du rapport d'expertise.
Précautions
Dans tous les contrats garantissant l'invalidité, il convient de bien comprendre la définition qu'en a l'assureur.En effet cette précaution évitera de nombreux contentieux qui surviennent autour de cette notion parfois ambiguë. Dans l'esprit de nombreux assurés, l'invalidité correspond souvent à un état accidentel ou physiologique qui l'empêche de continuer à exercer son activité professionnelle antérieure à l'accident, alors que pour l'assureur c'est l'état où toute activité lui est impossible. Cette acception est toute différente...
C'est un point particulièrement indispensable à étudier, notamment dans les contrats de groupe proposés par les établissements bancaires pour garantir les prêts. À la lecture, on s'aperçoit que la définition précise de cette garantie diverge très sensiblement de celle retenue par la sécurité sociale.
Rappelons enfin que toute victime a le droit à l'assistance d'un médecin de recours et qu'il est fortement conseillé d'utiliser cette faculté, notamment lors de l'expertise contradictoire ou judiciaire.